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Economie digitale, un moteur de croissance pour l’Afrique ?

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L’Afrique a la possibilité d’utiliser l’économie digitale comme moteur de croissance et d’innovation. Mais si elle ne parvient pas à combler la fracture numérique, ses économies risquent de s’isoler et de stagner.

A l’évocation de la transformation digitale sur le continent, un premier constat se profile : la digitalisation est en bonne voie dans les cinq sous-régions africaines. Toutefois, il existe des disparités entre celles-ci et bien évidemment entre les 54 Etats du continent. D’un côté, nous avons des champions de la transformation digitale, suivis par les challengers, et enfin les pays où la transformation digitale n’est pas une priorité pour l’instant, notamment parce qu’ils vivent une situation de tensions ou de conflits.

«  Pour développe l’économie digitale, deux éléments de base s’imposent. D’abord une infrastructure de TIC conséquente pour lancer des services digitaux. On ne peut pas prétendre avoir des services d’e-learning ou du e-santé par exemple si l’on ne dispose pas d’une infrastructure adéquate… Et contrairement aux infrastructures classiques, celles des TIC demandent surtout une impulsion et une vision claire pour être au même niveau et avoir les mêmes technologies que celles des pays avancés », explique Adnan Ben Halima, vice-président en charge des relations publiques de Huawei Northern Africa, qui s’exprimait lors d’une e-conférence organisée le 14 avril sur l’économie digitale.

En effet, les indicateurs sur les infrastructures de communication et l’économie digitale nous rapprocheraient vite de la réalité de la transformation digitale du continent : seulement 17 % de la population dispose de suffisamment de moyens pour se procurer un gigaoctet de données, contre 37 % en Amérique latine et Caraïbes et 47 % en Asie. Les coûts les plus faibles sont observés en Afrique du Nord et les plus élevés en Afrique centrale.

En Afrique australe, la transformation digitale est à deux vitesses. Parmi les pays de l’Union douanière d’Afrique australe (SACU)  – Afrique du Sud, Botswana, Eswatini, Lesotho et Namibie -, l’Afrique du Sud s’impose comme chef de file de la transformation digitale. A l’inverse, dans les pays non membres de la SACU − Angola, Malawi, Mozambique, Zambie et Zimbabwe −, la transformation digitale n’en est qu’à ses balbutiements avec seulement 25  % de la population ayant accès à Internet.

Dans cette sous-région, seulement 23 % de la population a les moyens d’acheter 1 Go de données mobiles chaque mois. L’Afrique du Sud est le principal moteur d’une économie numérique dynamique dans la région. Le pays compte entre 700 et 1 200 startups spécialisées dans les technologies actives dans plusieurs secteurs. L’Afrique du Sud détient également le nombre de centres de données le plus élevé d’Afrique, soit 21, contre 1 centre pour le Mozambique et 3 pour l’Angola.

Selon une étude récente de l’Union africaine et de l’OCDE, l’Afrique de l’Est qui compte quatorze pays détient le record mondial de la pénétration des services de paiement mobile, avec 1 106 comptes de paiement mobile déclarés pour 1 000 adultes. La généralisation des services de paiement mobile au Kenya a permis d’extraire au moins 194 000 ménages de l’extrême pauvreté. Toutes, seulement 34 % de la population de la sous-région a les moyens d’acheter 1 Go de données mobiles chaque mois

En 2019, les startups technologiques d’Afrique de l’Est ont levé plus de 729 millions de dollars d’investissements, contre 367 millions en 2016. Pour l’essentiel, ces investissements concernent le Kenya, devant le Rwanda et l’Ouganda.

Avec six pays, l’Afrique du Nord est la région la mieux connectée du continent avec un taux de pénétration de la téléphonie mobile à quelque 70% et un taux de couverture 4G à 83 % en 2020. La Mauritanie et l’Egypte enregistrent des degrés de digitalisation relativement plus faibles que les autres pays. Le taux de pénétration du téléphone est plus élevé en Algérie et en Tunisie, tandis que la couverture  4G est mieux assurée au Maroc et en Tunisie. Enfin, la couverture Internet semble être meilleure en Libye et en Algérie.

Le potentiel digital de l’Afrique du Nord a permis d’améliorer la communication des entreprises à travers des sites Internet et le développement des plateformes de commerce électronique.

En Afrique de l’Ouest qui compte 15 pays, l’écosystème digital de la région se développe rapidement puisque le nombre de pôles technologiques actifs est passé de 84 en 2016 à 142 en 2018. Les services de banque mobile ont favorisé l’inclusion financière dans la sous-région qui atteint 57.1 % dans l’Union économique et monétaire ouest‑africaine  (UEMOA) en  2018, avec des taux remarquables pour certains pays, notamment le Togo  avec un taux 71.9 %.

En Afrique centrale qui compte 9 pays, seules 9 personnes sur 100 utilisent un ordinateur et seulement le tiers (34.2 %) de son du territoire est couvert par la 4G. Les paiements mobile ont été multipliés par 9 depuis 2010 … mais le potentiel des entrepreneurs dans le digital reste largement sous-exploité. Dans cette sous-région, seulement 5 % des villes intermédiaires se trouvent dans un rayon de dix kilomètres du réseau de fibre optique terrestre à haut débit, alors qu’en Afrique de l’Ouest elles sont 20 % dans ce cas.

Former les talents de demain

Le second élément de base pour développer une économie digitale, ce sont les ressources en termes de talents, comme le rappelle Ben Halima. « Dans les pays où Huawei est présente en Afrique, nous avons lancé différents programmes de formation avec des institutions locales, comme ICT Academy dont l’objectif est de former entre 5 000 et 10 000 élèves ou élève ingénieurs par pays. Nous collaborons également avec les départements nationaux de tutelle pour sélectionner les meilleurs élèves ingénieurs afin de leur fournir une formation en Chine », rappelle Adnan Ben Halima.

L’accès à l’Internet reste hors de portée pour la plupart des habitants du continent, les startups numériques peinent à attirer des financements et les entreprises « traditionnelles » n’adoptent que lentement les technologies et plateformes numériques pour stimuler la productivité et les ventes. Peu de gouvernements investissent de manière stratégique et systématique dans le développement de l’infrastructure, des services, des compétences et de l’esprit d’entreprise numériques.

L’Afrique doit voir grand en matière de développement numérique. Au rythme actuel des réalisations socio-économiques, un grand nombre de jeunes africains se verront refuser la possibilité de réaliser leur potentiel. Les technologies numériques offrent une chance de corriger cette trajectoire, en ouvrant de nouvelles voies pour une croissance économique rapide, l’innovation, la création d’emplois et l’accès à des services qui auraient été inimaginables il y a seulement dix ans.

Dans une vision universelle, l’économie digitale devrait immanquablement accélérer la réalisation des objectifs de développement durable (ODD) des Nations unies notamment sur le continent africain. Finalement, il n’y aurait pas de secret à mettre en place une réelle économie digitale : une volonté politique, des investissements ciblés, des infrastructures numériques de qualité et des ressources humaines talentueuses pour relever le défi des dix prochaines années.

« Je pense que les technologies vont booster les économies émergentes. Elles devraient permettre à l’Afrique de jouer, d’ici 2030, un rôle plus important, avec à la clé plus d’investissements étrangers, une réduction du taux de chômage et plus d’opportunité pour que les jeunes puissent révéler leurs talents », préconise Ben Halima.

Avec La Tribune Afrique